Aujourd’hui, on se dirige vers le Puy-de-Dôme pour discuter avec Emmanuel Kerbourc’h, directeur du Moulin Richard de Bas, dernier moulin à papier d’Auvergne. Érigé avant le XVe siècle, sa production n’a jamais cessé ! Pour #LaMinuteEssentielle, Emmanuel nous présente l’histoire de son moulin, ainsi que ses secrets de fabrication.

Pouvez-vous brièvement nous résumer votre parcours ?

En 1941, mon grand-père maternel, Marius Péraudeau, a acheté ce moulin et l’a rénové. À l’instar d’Obélix, je suis tombé dans la cuve à papier du moulin dès mon plus jeune âge ! J’ai obtenu un bac en gestion et j’ai suivi trois années de fac d’Histoire de l’Art à la Sorbonne, ainsi que des cours du soir à l’école Estienne. Parallèlement, chaque été entre mes 16 ans et mes 23 ans, j’étais guide au moulin. Cette entreprise familiale m’a toujours passionné, et c’est tout naturellement qu’en 1997, j’ai remplacé ma tante Danielle qui partait à la retraite, et secondé mon oncle Patrice à la gestion.

Pouvez-vous nous parler du moulin Richard de Bas ?

On ne connait pas l’année de construction du moulin, mais on sait qu’en 1463, il était déjà en activité et qu’il a été acheté par Antoine Richard. Déjà, le moulin servait à la fabrication du papier. On suppose que le moulin existe depuis 1326. Nous avons gardé ces méthodes de fabrication artisanales, et nous produisons encore 200 feuilles de papier par jour, soit environ deux tonnes de papier par an… Ce qui n’est rien du tout, quand on sait qu’une usine de papier essuie-tout produit 1000 tonnes de papier par jour ! Chez nous, tout est fait à la main dans un cadre extraordinaire : notre papier a une âme et un cœur qui vibre dans chaque feuille.

Comment est fabriqué le papier ?

Pour produire une feuille de papier, il faut commencer par former une pâte complètement liquide. Nous récupérons de vieux chiffons et des vieilles toiles, que l’on va broyer puis plonger dans une cuve remplie d’eau. Notre pâte est constituée à 90 % d’eau : si elle est de qualité, notre papier le sera aussi ! Sauf qu’une feuille de papier n’est pas liquide… Une fois notre pâte conforme, nous égouttons, pressons et séchons par évaporation notre papier. Ensuite, l’eau utilisée tout au long du processus de fabrication est rendue à la nature.

La nature est elle importante dans votre métier ?

Nous travaillons dans un cadre sauvagement naturel : nous sommes au plus près de la nature et nous en sommes très attachés ! Puisque notre fabrication demande énormément d’eau, nous dépendons du climat et des saisons. Bien que l’eau coule en abondance en Auvergne, les changements climatiques provoquent des perturbations. Parfois, l’été, le débit du ruisseau baisse dangereusement et engendre des complications dans notre activité. On s’interroge sur l’avenir de la planète : est-ce qu’on aura toujours assez d’eau pour faire tourner les roues du moulin ?

Votre papier évolue-t-il en fonction des saisons ?

L’hiver, nous fabriquons des feuilles de papier blanc, idéales pour les artistes. Nous sommes des artisans au service des artistes et des créateurs. Ce sont des gens passionnés et passionnants, avec qui nous avons beaucoup de plaisir à travailler. Nous sommes très fiers de savoir que nos feuilles sont utilisées pour de la peinture, du dessin, de l’aquarelle… L’été, nous produisons du papier à fleur, une technique élaborée dans les années 50 et inspirée des papiers Antemoro de Madagascar. Les fleurs et les plantes sauvages, cultivées autour du moulin, sont ajoutées à la production de notre papier. Nous avons des bleuets bleus, des bleuets rouges, des soucis, des fougères, et beaucoup d’autres ! Toutes ces fleurs et ces plantes sont mélangées dans la cuve à papier, avec notre eau. Le résultat est entièrement aléatoire, mais le papetier l’utilisera pour produire ses feuilles. Nous avons également une autre technique où l’on reconstitue le motif floral, pétale par pétale, pour avoir une composition sur notre feuille.

Qu’est-ce qui vous rend fier dans votre métier ?

Le bâtiment est classé Monument historique depuis 1983, ainsi qu’Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 2020. Il est le premier musée vivant de France ! Des visites sont organisées pour découvrir le papier et son histoire : un véritable voyage à travers les siècles et les continents. Nous proposons également des ateliers pour les petits et pour les grands, afin que tout le monde puisse mettre la main à la pâte et fabriquer sa propre feuille de papier. Nous travaillons dans un cadre inspirant et nous prenons énormément de plaisir à partager notre savoir-faire traditionnel dans ce lieu chargé d’histoire. Visiter le Moulin des Bas, c’est découvrir les jardins inspirants qui l’entourent et renouer avec des traditions artisanales auvergnates, vieilles de 700 ans !


Vous aussi, partez à la découverte du
moulin à papier Richard de bas. Des visites sont organisées tous les jours.

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